Le sujet des agressions sexuelles est au cœur de l’actualité. Il est abordé quasi exclusivement sous l’angle de l’agression ou le viol par un inconnu ou sur le lieu de travail.
Au sein d’un couple, la problématique est différente. Les conjoints se connaissent intimement et ont des relations sexuelles que l’on présume généralement consenties.
La problématique du consentement sexuel entre époux, ou dans un couple, tient au fait que de 1810 à la loi du 23 décembre 1980, (ayant redéfini la définition pénale du viol) et surtout à un arrêt de la cour de cassation en 1990 reconnaissant le viol conjugal, il existait une obligation de devoir conjugal entre époux.
De fait, ce qui se passait dans l’intimité du couple sur le plan sexuel était couvert par cette obligation de devoir conjugal.
En 1990 la cour de cassation, dans un arrêt du 5 septembre 1990 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007064540 a clairement exprimé que
« le consentement au mariage peut faire présumer jusqu'à un certain point, de la part des époux et aussi longtemps qu'ils demeurent mari et femme, leur consentement aux relations sexuelles, il n'en demeure pas moins que cette présomption n'a rien d'irréfragable " ; que " la volonté des époux de mettre en commun et de partager tout ce qui a trait à la pudeur n'autorise nullement l'un d'entre eux à imposer à l'autre par violence un acte sexuel s'il n'y consent »
Toutefois, la preuve du viol ou de l’agression sexuelle reste difficile à apporter lorsqu’elle est commise au sein du couple.
En effet, la notion de consentement a des contours plus flous que lorsque l’agression est commise par un inconnu et il y a rarement, voire jamais, de témoins des faits.
I. Le viol et agressions sexuelles au sein du couple : ce que dit la loi.
1. Qu’est-ce qu’un viol ?
Le viol est défini par l’article 222-23 du Code Pénal : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »
L’article Article 222-24 du Code Pénal dispose que le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité
2. Qu’est-ce qu’une agression sexuelle ?
L’agression sexuelle est définie par l’article 222-22 du Code Pénal : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. »
Ce même article dispose que :
« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage. »
3. Qu’elles sont les sanctions pour un viol ?
Le viol est un crime passible de la cour d’assises.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle mais est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'il est commis par le/la conjoint ou le/la concubin de la victime ou le/la partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité
Etre en couple est donc une circonstance aggravante du viol.
Qu’elles sont les sanctions pour une agression sexuelle ?
Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende peine portée à sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
Vous pouvez retrouver les articles du code pénal sous ce lien
: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=09023251EEFBC5EEA3E06346A6DB56A2.tplgfr33s_2?idSectionTA=LEGISCTA000006165281&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20171108
II. Les viols et agressions sexuelles au sein du couple : ce que dit la jurisprudence.
Comme dans la plupart des délits et crimes, la jurisprudence exige que soit rapportée la preuve d’un élément matériel et moral.
Même si la loi semble effacer la présomption conjugale, la preuve du délit ou du crime demeure difficile.
1. Preuve d’un élément matériel.
- Le viol.
Le viol est constitué, matériellement, par un acte de pénétration sexuelle commise soit de manière vaginale, anale, orale ou par pénétration avec la main ou des objets…
La chambre criminelle dans un arrêt du 16 décembre 1997 indique que : « Tout acte de fellation constitue un viol au sens des articles précités, dès lors qu’il est imposé par violence, contrainte, menace ou surprise, à celui qui le subit ou à celui qui le pratique »
Et la chambre criminelle dans un arrêt du 21 février 2007 précise « Pour être constitutive d’un viol, la fellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objet le représentant »
- L’agression sexuelle.
Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle. Quiconque se rend coupable d'actes de nature sexuelle sur une personne sans son consentement commet une agression sexuelle.
2. Preuve d’un élément moral: absence de consentement.
Pour être qualifié de viol ou d’agression sexuelle, l’acte doit être commis avec violence, menace, contrainte, ou surprise.
Ces qualificatifs permettent d’établir le défaut de consentement de la victime.
La contrainte suppose l’existence de pressions physiques ou morales et s’apprécie en fonction des capacités de résistance de la victime.
La violence suppose une action physique ou morale de l’agresseur sur la victime commises avec un degré supérieur à la contrainte.
La menace est plus simple à définir. Il peut s’agir, par exemple, de menaces de représailles en cas de refus de la victime. Au sein d’un couple, ces menaces peuvent porter sur la perte de contribution aux charges du ménage si l’époux ou l’épouse n’accepte pas des relations sexuelles ou des comportements sexués.
La surprise, suppose l’existence de stratagèmes ou abuser de l’état d’inconscience (alcool, médicaments, etc ) de la victime.
III. Les viols et agressions sexuelles au sein du couple, une réponse civile possible : l’ordonnance de protection.
La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, donne compétence aux juges aux affaires familiales pour délivrer, en urgence, à une victime de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint ou partenaire, une ordonnance de protection.
La procédure est rapide et est définie par les articles 515-9 et suivants du code civil.
Si le juge estime que les faits allégués sont vraisemblables, il peut, notamment, :
- Interdire à l’agresseur présumé de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
- Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement.
- Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence ;
- Préciser lequel des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou des concubins continuera à résider dans le logement commun et statuer sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n'est pas l'auteur des violences, même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence ;
- Se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l'aide matérielle pour les partenaires d'un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;
- Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie.
- Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée ;
Ces mesures sont prises pour une durée de six mois à compter de la notification de l’ordonnance de protection et peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale.
Conclusion : Les viols et agressions sexuelles au sein du couple : une preuve qui demeure difficile à apporter
Quand bien même tous les éléments constitutifs d’un viol ou d’une agression sexuelle seraient réunis, en rapporter la preuve, lorsqu’ils sont commis au sein d’un couple, reste généralement très compliqué.
Outre les faits flagrants de violences physiques qui auraient accompagnés le viol ou l’agression sexuelle, conduisant la victime à consulter un médecin et donc permettre à un tiers qualifié de constater les faits, généralement la victime de viol ou d’agression sexuelle est dans l’incapacité de prouver ce qu’elle a subi.
Il faut souvent dépasser ses craintes et les conséquences qu’une plainte pourrait avoir sur la cellule familiale ce qui pour beaucoup reste insurmontable.
Et pourtant, il ne peut qu’être conseillé, à défaut de porter plainte immédiatement, d’aller consulter, au moins, un médecin et se faire établir un certificat médical.
En général et malheureusement, les agressions sexuelles et les viols au sein du couple se répètent et prennent rarement fin sans l’intervention de la justice.
L’accumulation de preuves permettra de contrer un argument souvent invoqué : le malentendu.
La preuve, au moins vraisemblable, devra également être rapportée devant le juge aux affaires familiales pour obtenir une ordonnance de protection. Toutefois, cette preuve semble plus facile à rapporter dans ce cas, même si les juges aux affaires familiales demeurent très prudents.
Enfin et parce que c’est aussi une réalité, si les victimes sont en grande majorité des femmes, il existe également des hommes qui sont victimes de violences et d’agressions sexuelles de la part de leurs compagnes.
L’interdiction du viol, d’agressions sexuelles, et de manière générale de toutes formes de violence, s’imposent à tous. Le mariage, ou la vie commune n’est en aucun cas un sanctuaire où l’intimité justifierait quoi que ce soit.